Responsabilité des experts comptables
Sur les missions accessoires de l’expert-comptable
Conformément à l’article 22 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable, les experts-comptables peuvent : « Sans pouvoir en faire l'objet principal de leur activité :
1° Effectuer toutes études ou tous travaux d'ordre statistique, économique, administratif, ainsi que tous travaux et études à caractère administratif ou technique, dans le domaine social et fiscal, et apporter, dans ces matières, leur avis devant toute autorité ou organisme public ou privé qui les y autorise ;
2° Donner des consultations, effectuer toutes études ou tous travaux d'ordre juridique, fiscal ou social et apporter, dans ces matières, leur avis devant toute autorité ou organisme public ou privé qui les y autorise, mais seulement s'il s'agit d'entreprises dans lesquelles ils assurent des missions d'ordre comptable ou d'accompagnement déclaratif et administratif de caractère permanent ou habituel ou dans la mesure où lesdits consultations, études, travaux ou avis sont directement liés aux travaux comptables dont ils sont chargés ».
Sur le devoir de conseil et la responsabilité de l’expert-comptable en matière fiscale
L’expert-comptable a un devoir de conseil quant aux conséquences fiscales des choix exercés avec son concours.
La jurisprudence décide que « l'expert-comptable qui accepte d'établir une déclaration fiscale pour le compte d'un client doit, compte tenu des informations qu'il détient sur la situation de celui-ci, s'assurer que cette déclaration est, en tout point, conforme aux exigences légales ».
En ce sens, Cour de cassation, Chambre commerciale, 6 février 2007, n°06-10.109,
L’expert-comptable doit informer son client sur les incidences fiscales des statuts constitutifs d’une société commerciale lorsqu’il en est rédacteur.
La Cour d’Appel de PARIS a ainsi rendu la décision suivante :
« L’expert-comptable, qui accepte, dans l’exercice de ses activités juridiques accessoires, d’établir les statuts constitutifs d’une société commerciale pour le compte d’autrui, est tenu en sa qualité de rédacteur, d’informer et d’éclairer de manière complète son client sur les effets et la portée de l’opération projetée et notamment sur ses incidences fiscales ».
En ce sens, Cour d’Appel de Paris, ch. 5-8, 13 mai 2014, no 13/05915, RJDA 2015, no 687,
Engage sa responsabilité, l’expert-comptable qui « avait déposé après l'expiration du délai légal les déclarations des résultats ».
En ce sens, Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 avril 1993, n°91-11.583,
Engage sa responsabilité l’expert-comptable qui n’a pas vu qu’une société remplissait les conditions pour bénéficier d’une exonération. Elle précise que cela résulte de l’obligation légale de l’expert-comptable d'assurer le contrôle de la régularité et de la sincérité des comptes annuels :
« Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'il ne pouvait échapper à M. X... que la société Challenger s'estimait exonérée de tout impôt sur les sociétés et qu'au regard du montant des sommes en jeu, il aurait dû contrôler le bien-fondé de cette exonération et la conformité des charges fiscales figurant au bilan avec la législation en vigueur ; que l'arrêt retient encore que de même, en ce qui concerne les charges assises sur les salaires, il aurait dû contrôler que le montant desdites taxes avait été porté au bilan soit en poste de frais généraux soit en poste de charges à payer ; qu'ayant ainsi constaté que M. X... avait, en s'abstenant de vérifier l'exactitude des charges fiscales figurant au bilan, manqué à son obligation légale d'assurer le contrôle de la régularité et de la sincérité des comptes annuels de la société Challenger, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'il avait commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de celle-ci ».
En ce sens, Cour de cassation, Chambre commerciale, 28 mars 2006, n°04-16659,
Engage sa responsabilité l’expert-comptable qui omet d’effectuer une opération nécessaire à une franchise d’impôt :
« Mais attendu que l'arrêt constate que M. Y... avait omis d'inscrire l'incorporation au capital de la société de l'écart de réévaluation des actifs immobilisés au bilan établi au 31 décembre 1979, ou à son annexe, condition exigée pour que l' opération bénéficie de la franchise d'impôt, et retient qu'un recours contre le redressement litigieux étant voué à l'échec à défaut de dépôt d'une telle pièce en temps utile le préjudice subi par la société était la suite directe de la faute de son comptable; que, saisie d'une action en responsabilité civile et non d'un procès fiscal, la cour d'appel a pu porter ces appréciations et statuer comme elle a fait; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ».
En ce sens, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 octobre 1996, n°94-14.047,
Engage sa responsabilité l’expert-comptable qui « a omis de provisionner dans les résultats des premiers exercices comptables de sa cliente les charges incombant à celle-ci au titre des commissions dues à ses agents et représentants mais non encore acquittées ».
En ce sens, Cour de cassation, Chambre commerciale, 9 janvier 1990, n°88-15.337,
Engage sa responsabilité l’expert-comptable qui participe à une restructuration de groupe sans informer son client de la plus-value réalisée lors d’une opération d’apport et de la nécessité de la déclarer dans le cadre de la déclaration de revenus :
« Mais attendu qu'après avoir constaté qu'il était admis que le responsable de la société Gecor avait aidé les époux X... à établir leur déclaration de revenus pour l'année 1992, la cour d'appel a considéré que c'était, par conséquent, la société Gecor elle-même qui était ainsi intervenue, à titre bénévole, auprès des époux X..., de sorte que celle-ci, qui avait participé à la réalisation de l'apport en 1992, était parfaitement informée de la plus-value importante en résultant ; que la cour d'appel a ajouté qu'en sa qualité de conseil des sociétés X..., il appartenait à la société Gecor de donner aux dirigeants de celles-ci une information complète sur les possibilités répondant à leur souhait de restructuration du groupe et sur leurs incidences fiscales, mais a précisé que la société Gecor ne justifiait pas avoir donné une telle information ; que la cour d'appel a, en outre, retenu que dès lors qu'elle avait accepté d'établir les déclarations fiscales des époux X..., la société Gecor devait veiller à ce que celles-ci soient conformes à la législation en vigueur, et en a conclu que cette dernière avait commis une faute, dont elle ne pouvait s'exonérer en invoquant celle qui aurait été commise par les époux X..., qui, d'une part, s'ils avaient certaines connaissances relatives aux obligations des chefs d'entreprise, avaient néanmoins, pour réaliser l'opération de cession d'actions, fait appel à un spécialiste du droit des sociétés et de la comptabilité, dont ils avaient suivis les conseils, y compris pour les conséquences pouvant en résulter sur leur patrimoine personnel, et qui, d'autre part, n'avaient commis aucune faute en confiant l'établissement de leurs documents fiscaux au comptable habituel de leurs sociétés ».
En ce sens, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 mars 2003, n°99-17.112,
Sur le devoir de conseil et la responsabilité de l’expert-comptable en matière sociale
La jurisprudence décide que « l'expert-comptable qui a reçu la mission de rédiger les bulletins de paie et les déclarations sociales pour le compte de son client a, compte tenu des informations qu'il doit recueillir sur le contrat de travail pour établir ces documents, une obligation de conseil afférente à la conformité de ce contrat aux dispositions légales et réglementaire ».
En ce sens, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 mars 2009, n°07-20.667,
Est responsable, l’expert-comptable chargé d’établir les bulletins de paie qui commet des erreurs dans leur émission ou leur établissement.
Tel est le cas d’un expert-comptable qui commet une erreur du calcul des cotisations sociales.
La Cour d’appel de BOURGES a rendu la décision suivante : « Attendu cependant que l'expert-comptable, qui a reçu la mission de rédiger les bulletins de paie et les déclarations sociales pour le compte de son client, a, compte tenu des informations qu'il doit recueillir sur le contrat de travail et la législation en vigueur pour établir ces documents, une obligation de conseil afférente à la conformité du calcul des cotisations sociales aux dispositions légales et réglementaires.
Attendu que cette obligation implique que les déclarations de cotisations sociales évitent à l'employeur de s'acquitter d'un trop perçu ».
En ce sens, Cour d’Appel de BOURGES, Chambre civile, 22 novembre 2018, n°17/01480
Tel est le cas d’un expert-comptable qui omet de mentionner une prime de panier et qui applique un taux horaire inférieur au minimum conventionnel.
En ce sens, Cour d’Appel de PAU, 24 juin 2018, Jurisdata n°370231,
Tel est aussi le cas d’un expert-comptable qui fait figurer un taux horaire inférieur au SMIC ou à celui de la convention collective.
En ce sens, Cour d’Appel de LYON, 31 janvier 2018, Jurisdata n°365753,
La Cour de cassation décide que l’obligation de conseil de l’expert-comptable chargé de la paie doit même le conduire à informer son client des conséquences du défaut d’affiliation obligatoire d’un cadre à un organisme de prévoyance :
« Mais attendu que l'arrêt retient qu'il est manifeste que le défaut de mise en garde de l'employeur par son expert-comptable sur les conséquences du défaut d'affiliation obligatoire d'un cadre à un organisme de prévoyance constitue un manquement à l'obligation générale de conseil à laquelle les experts-comptables sont soumis à l'égard de leurs clients ; qu'il résulte de la lettre de mission du 25 septembre 1989 que la société Z... a été chargée de l'établissement de la paye et des charges sociales jusqu'au 31 décembre 2002 ; que, contrairement à ce qu'elle prétend, sa responsabilité est recherchée précisément sur cette période puisque l'embauche de Daniel X... a été effective au 1er septembre 2002 et qu'il lui appartenait à ce titre de vérifier l'affiliation obligatoire à compter de cette date et dans le cadre de la présentation des comptes annuels pour l'année 2002 de vérifier les cotisations sociales et leur montant ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire qu'en s'abstenant de vérifier le caractère effectif de l'affiliation et le paiement des cotisations et d'attirer l'attention de son client sur les risques encourus, l'expert-comptable avait commis une faute ».
En ce sens, Cour de cassation, 2ème Chambre civile, 12 mai 2010, n°09-13.496
Sur l’indifférence des souhaits du client
La Cour d’Appel de PARIS décide que s’agissant de la responsabilité de l’expert-comptable que « l'incurie ou les instructions éventuelles du client ne sont pas de nature à diminuer la responsabilité du professionnel en cas de manquement à ses obligations ».
Elle précise que l’expert-comptable ne peut « justifier par les prétendus souhaits de son client les anomalies comptables dont la responsabilité lui incombe ».
En ce sens, Cour d’Appel de PARIS, 1ère Chambre section B, 21 février 1997, n°96-10833,
Sur l’obligation d’assurance de l’expert-comptable
Conformément à l’article 17 de l’Ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable : « Les experts-comptables, les sociétés d'expertise comptable, les succursales, les associations de gestion et de comptabilité, les salariés mentionnés à l'article 83 ter et à l'article 83 quater et les professionnels ayant été autorisés à exercer partiellement l'activité d'expertise comptable sont tenus, s'ils sont établis en France, de justifier d'un contrat d'assurance selon des modalités fixées par décret pour garantir la responsabilité civile encourue en raison de l'ensemble de leurs travaux et activités ».
Conformément à l’article 134 du décret n°2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable : « Les parties au contrat mentionné au premier alinéa de l'article 17 de l'ordonnance de 19 septembre 1945 susvisée fixent le montant des garanties et des franchises. Les franchises ne sont pas opposables aux tiers ».
Conformément à l’article 138 du décret n°2012-432 du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable : « Le montant des garanties d'assurances souscrites par les personnes mentionnées au premier alinéa de l'article 17 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 susvisée en application du même alinéa ne peut être inférieur, par assuré, à cinq cent mille euros par sinistre et un million d'euros par année d'assurance. Les parties peuvent convenir de dispositions plus favorables ».
Ainsi les experts-comptables doivent souscrire une assurance obligatoire qui couvre leurs sinistres jusqu'à 500.000 euros par sinistre et 1 million d'euros par an.
Les experts-comptables ne peuvent opposer la franchise de leur assureur à leurs clients.